Le 30 mai, le porc génocidaire Benyamin Nétanyahou était l’invité du journal télévisé de 20h00 de TF1, provocant un écœurement de la part d’un grand nombre de françaises et français. Une manifestation réunissant plusieurs milliers de personnes avaient alors été organisée devant les locaux de ce même merdia afin d’empêcher et de dénoncer cette interview. Thierry Thuillier, directeur général adjoint du pôle information du groupe TF1, annonçait alors « Quoi qu’il arrive, on est très serein et on continuera à faire notre boulot. ». Quelques jours plus tard, le 8 juin, entre Toulouse et Castres se déroulait la manifestation « A69 Roue libre », organisée par différentes organisations dont les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion et la Voie est Libre. Cette manifestation, elle aussi, réunissait plusieurs milliers de personnes antifascistes, soutenants la Palestine, éco-terroriste, toto, et autres étiquettes extrêmes gauchistes. Durant cette mobilisation, de nombreux médias indépendants étaient présents mais aussi des médias « de droite » tel que CNEWS, BFMTV, TF1/LCI, pas forcément invités, mais accueillis par l’organisation. Une semaine après l’interview du criminel de guerre, la présence toute particulière de TF1/LCI à cette manifestation a profondément choqué un grand nombre de manifestant·es, qui n’ont pas manqué d’interpeller les journalistes ainsi que les organisateurices pour exprimé leur mécontentement. Mais cela ne semble pas avoir eu d’impact concret car, les journalistes ont pu se promener librement dans le camp et au sein de la manifestation durant l’entièreté de la journée. C’est suite à cet évènement qui nous laisse un gout amère dans la bouche que nous est venu l’idée d’écrire cet article.
Objectif de l’article
Le positionnement de ces merdias, leur non respect de l’anonymat, leur liberté « d’informer » et l’utilité de leur présence sont des choses discutables mais l’objectif de cet article n’est pas de faire une liste des médias bienvenues et des médias à exclure de nos évènements, nous parlerons seulement de tactiques construites à partir de retours d’expériences, d’observations et de moments de réflexion. L’objectif étant de permettre à des militants autonomes d’être impactant envers ces merdias, pour ne plus se retrouver impuissants lors de situation comparable afin de les empêcher « d’être sereins et de continuer à faire leur boulot ».
Pourquoi faire ça de manière autonome et ne pas pousser les organisations à bannir ces merdias ?
Pousser les organisations à bannir ces merdias est une solution possible mais peu couronnée de succès car la plupart des organisations préfèrent actuellement coopérer avec ces médias pour garder de « bonnes relations » avec ces derniers, afin de faire du « donnant donnant »(propos tenu par un organisateur de l’« A69 Roue libre » en aparté avec TF1/LCI à propos de leur accueil) et ainsi gagner en visibilité en atteignant des personnes consultants principalement ces merdias et souvent peu familières avec nos luttes.
Une offensive autonome semble donc une bonne alternative pour ne pas gâcher cette entente cordiale tout en respectant le principe d’autonomie.
Comment identifier un merdia durant l’évènement ?
Comme vous l’imaginez, ils ne veulent pas être reconnus et choisissent donc d’utiliser du matériel annonymisé, sans logo ni signe distinctif pouvant les associer à leur employeur. Pour les débusquer, rien de plus simple :
– le style vestimentaire : petite chemise, veste bien repassée, cheveux laqués ainsi qu’une voiture de location et donc toute propre
– la présence de gardes rapprochées, souvent au nombre de deux, et parfois accompagnés d’un coordinateur de sécurité. Nous supposons que ces gardes du corps et leur coordinateur sont, la plupart du temps, des prestataires.
– la reconnaissance faciale : nous avons tenté de recenser les journalistes qui ont participé aux dernières grosses mobilisations type manif-action. Malheureusement, il est assez rare que les mêmes personnes reviennent. Probablement parce qu’après être venu une fois, elles ne souhaitent plus y retourner. Il n’est donc pas vraiment pertinent de faire un trombinoscope. Par contre, il est possible de les prendre en photo et d’utiliser un logiciel tel que pimeyes pour les identifier rapidement via internet et les relier au média pour lequel elles travaillent.
– leur demander, tout simplement : la très grande majorité des journalistes sont fières du média pour lequel iels travaillent, iels vous diront donc souvent pour qui iels travaillent. Ensuite, c’est généralement assez simple de le vérifier sur le net. Pour les merdias c’est plus compliqué, car iels savent qu’iels ne sont pas les bienvenu•es, iels ont donc tendance à ne pas répondre ou à être flou. Les personnes travaillant pour CNEWS ont pour habitude de dire « On travaille pour le groupe Canal » par exemple.
– regarder leur live : vous pourrez identifier où iels se trouvent et à quoi iels ressemblent. Lors de certains évènements, il arrive que, par peur, l’identité et le visage du journaliste présent sur place soient gardé secret. Ça a par exemple été le cas lors de Sainte-Soline 2024, où BFMTV a renommé ses correspondant•es sur place : « Journaliste BFMTV » et « Envoyé spécial BFMTV ». Cela pourrait être du à la mésaventure vécu par ses journalistes le matin (cf « S’occuper de leur voiture »)
Au final, l’idéal, c’est bien sûr de combiner tous ces indices afin de pouvoir les repérer plus facilement.
Que faire une fois le merdia identifié ?
L’objectif de cet article n’est évidemment pas d’inciter les gens à s’en prendre physiquement aux journalistes. Tout d’abord parce que nous sommes contre certaines formes de violences physiques. Mais aussi parce que :
– les journalistes présent•es ne sont que des pions et ne sont pas toujours en accord avec la ligne éditoriale de leur média,
– des gardes du corps sont présents et nous n’avons aucune idée de comment ils réagiraient,
– il existe d’autres solutions que nous considérons comme plus efficaces d’un point de vue médiatique.
Bien sûr que leur casser les deux jambes au début de la manif est le meilleur moyen de les empêcher de participer à la manifestation, mais d’un point de vue stratégique, nous considérons que ce n’est pas la bonne solution.
Première possibilité : s’en prendre à leur voiture
Les gros médias ont la plupart du temps leurs bureaux à Paris, ils envoient donc généralement des journalistes depuis Paris. Ces derniers louent donc une voiture à partir de la gare pour venir à l’évènement. Vous ne vous attaquez alors pas à la voiture de quelqu’un mais à la location du média, c’est donc moins violent pour les journalistes concernés. Et si s’attaquer à une voiture privée vous dérange, nous vous conseillons de vous assurer qu’il s’agit bien d’une location.
Il faut donc tout d’abord réussir à identifier leur voiture. Pour cela, vous pouvez :
– être bénévole au parking et donc voir toutes les personnes qui rentrent sur le parking en amont. Nous supposons que les équipes de journalistes arrivent le matin vers 9-10h, lorsqu’une manifestation commence en début d’après midi,
– les suivre lorsqu’iels retournent à leur voiture déposer du matériel : bien souvent, le matériel utilisé en amont de la manifestation, comme par exemple un trépied, sera ramené avant l’action. Nous vous conseillons d’être discret•es car s’ils vous ont repéré, iels essayeront sûrement de vous semer. Dans ce cas, l’idéal est de suivre le matériel et non des personnes spécifiques.
– les piéger : vous pouvez tous simplement aller les voir et leur dire que leur voiture a été taguée, leur réflexe sera sûrement d’aller à leur voiture pour constater les dégâts qui n’existent pas, ou plutôt, pas encore… Vous pouvez aussi aller les voir et leur demander quelle est leur voiture parce qu’ « apparemment elle est garée au mauvais endroit ». Bref, faites preuve d’ingéniosité !
Une fois la voiture trouvée, il ne vous reste plus qu’à faire le nécessaire. Nous vous conseillons de filmer l’action, voire même, d’inviter d’autres médias à filmer et ensuite, à éventuellement filmer la découverte de leur part.
Une fois la découverte faite, il y a deux options : rentrer en taxi et payer une remorqueuse ou, si la voiture peut encore rouler, de la rendre au concessionnaire et de payer les dommages. La chaîne portera sûrement plainte, nous vous conseillons donc d’être très prudent quant à votre anonymat.
Schéma des éléments attaquables sur une voiture :
Voiture de Yannick Jadot tagué lors de Sainte-Soline 2023
Deuxième possibilité : s’attaquer au matos
Cela semble plus compliqué de s’attaquer au matériel car il est toujours en leur possession et généralement protégé par des agents de sécurité. Mais une simple bouteille en plastique remplie à moitié de peinture et à moitié d’eau peut faire un joli résultat. Il faut juste la lancer au bon moment, avec suffisamment de support et/ou courir suffisamment vite.
Troisième possibilité : le harcèlement
C’est la chose la moins dangereuse mais aussi la moins efficace, car les journalistes sont payé•es pour venir sur place, iels ne partiront donc pas si facilement. Dans ce cas, nous vous conseillons simplement de les empêcher de filmer et de faire des interviews grâce à un parapluie, un instrument de musique sonore…
Pour aller plus loin
Vous pouvez vous organiser en amont avec un petit groupe d’ami•es pour être prêt•es le jour J et ne pas vous retrouver à tout organiser au dernier moment une fois sur place. Cela réduira les risques d’erreurs et augmentera votre efficacité sur le terrain.
Pour rappel, un agent de sécurité/garde du corps, n’a pas plus de droit que vous, il n’a pas le droit de vous ceinturer ou de s’en prendre à vous physiquement sauf si vous vous en prenez physiquement à quelqu’un.
En espérant que lors de prochains évènements, des initiatives de la sorte s’organiseront et que nous passerons un été sans merdias dans nos luttes.
Retour d’expérience :
Manif NoTAV en Maurienne :
En amont de la manifestation, pendant les prises de paroles d’avant manif, un groupe de personnes habillées en black bloc accompagnent les journalistes de BFMTV les empêchant de filmer à l’aide d’un parapluie placé devant leur caméra. S’en est suivit, à l’écart de la mobilisation, un échange violent entre le coordinateur de la sécurité de BFMTV et un militant l’aillant suivit pour identifier sa voiture, le coordinateur le menace d’abord physiquement et verbalement avant de s’en prendre à lui physiquement. Le manifestant lui rétorque alors que s’en prendre à lui n’est pas une bonne idée s’il souhaite rentrer de la mobilisation dans l’état dans lequel il est arrivé. L’accrochage en est resté là et les deux parties se sont séparées.
Apres une heure de harcèlement envers les journalistes de BFMTV à l’aide d’un parapluie, la jeune camerawoman, à bout de nerfs, finit par craquer et l’équipe de journalistes décide alors d’arrêter de filmer. Nous considérons ici, que la faute ne peut être imputée au groupe de militants au parapluie, mais à BFMTV qui envoie de toute nouvelle recrue dans des manifestations dangereuses où les militants ne leur sont pas amicaux.
Manif Sainte-Soline 2023 :
Le camp de base se construit furtivement dans la nuit de jeudi à vendredi dans un champ privé d’où démarrera la manifestation le samedi. Le vendredi matin une assemblée générale pour organiser le montage du camp se réunit, durant cette AG des journalistes arrivent sur le camp et commencent à discuter en interpersonnelle avec les organisateurs, en dehors de l’AG.
Un petit groupe de personnes cagoulées quitte alors l’AG afin d’aller à la pêche aux informations. Ces journalistes travaillent visiblement pour BFMTV, le groupe attend alors que les journalistes aient terminé de parler avec l’organisation et décide de les suivre jusqu’à leur voiture. Le groupe discute en suivant les journalistes et décide de les dégager à l’aide de pistolets à eau remplis de peinture pour qu’iels s’en aille. Une partie du groupe se détache alors pour discuter de l’action planifiée contre les journalistes avec l’AG. En parallèle, l’autre partie du groupe, arrive à la voiture des journalistes. S’en suit un échange menaçant avec l’équipe de BFMTV, le groupe attendant le retour de l’AG avant un potentiel passage à l’action. La partie du groupe partie consulter l’AG revient alors accompagnée d’un grand nombre de militant•es souhaitant faire fuir les journalistes. Voyant arriver vers elleux 30 personnes cagoulées, l’équipe de BFMTV prend peur et rentre dans la voiture. Les militant•es aspergent la voiture de peinture puis quitte les lieux.
Plus tard dans l’après-midi, une nouvelle « AG » ne donnant la parole qu’aux organisateurs annonce qu’à la suite des « incidents » du matin, iels souhaitent rappeler que toustes les journalistes sont les bienvenues sur le camp. Considérant que cette décision n’engageait que les organisateurices et n’émanait pas d’une prise de décision démocratique et collective, de nombreuses personnes décidèrent de continuer leur chasse aux journalistes de droite.
Finalement, la couverture de la manifestation par BFMTV n’aura pas été empêchée puisque le lendemain, des images live seront diffusées sur la chaîne, leurs deux journalistes se trouvant au coeur même de la manifestation. Journalistes renommé•es pour l’occasion « Journaliste BFMTV » et « Envoyé spécial BFMTV », leur nom ayant été caché, tout comme leur visage afin qu’iels ne puissent pas être pris pour cible une seconde fois durant le temps de la mobilisation.
Jadot voiture tagué – Sainte-Soline 2022 :
Prise de parole de Yannick Jadot en amont de la manif, hué générale, puis lorsqu’il retourne à la voiture avec laquelle il est arrivé, il la retrouve dans un mauvais état, tagué à la peinture à eau.
Il se trouve que la voiture était une location, et qu’elle avait été loué par un autre député qui avait juste accepté d’emmener Yannick Jadot sur la mobilisation.
Vidéo facebook de BFMTV à propos de la voiture de Jadot